Se prémunir contre les conflits en SAS
Diriger une Société par Actions Simplifiée (SAS) offre une grande souplesse. C’est l’un de ses principaux atouts. Mais cette liberté contractuelle s’accompagne d’un besoin réel de structuration, notamment pour anticiper les situations de blocage ou de tension. Un bon audit informatique peut aider à identifier les vulnérabilités.
Les conflits internes peuvent surgir entre actionnaires, ou bien entre les actionnaires et certains cadres dirigeants qui n’ont pas de participation au capital. Dans les deux cas, sans cadre juridique et relationnel solide, les conséquences peuvent être très dommageables pour la vie de l’entreprise et celle de ses actionnaires.
Prévenir plutôt que subir, c’est la philosophie à adopter dans toute organisation où plusieurs parties interviennent dans la stratégie et la gouvernance.
Pourquoi les conflits émergent dans une SAS
La diversité des profils en présence
Dans une SAS, les fondateurs, investisseurs, salariés actionnaires ou simples actionnaires peuvent cohabiter. Chaque profil a ses attentes, ses intérêts, ses contraintes. L’entrepreneur peut avoir une vision long terme, tandis qu’un investisseur cherchera un retour rapide. Le salarié actionnaire attend une reconnaissance directe de son implication.
Cette diversité crée une richesse mais aussi un terrain favorable aux tensions. Dès qu’un objectif n’est plus partagé, la mésentente s’installe.
Des règles statutaires parfois trop floues
La grande flexibilité statutaire de la SAS est à double tranchant. Si les statuts sont mal rédigés ou incomplets, le moindre désaccord peut se transformer en impasse. Un accompagnement juridique adapté est crucial.
Sans règles précises sur la prise de décision, les modalités de nomination ou révocation, ou encore les conditions de sortie, l’organisation se fragilise. Et dans un climat tendu, les statuts deviennent souvent une source de conflit au lieu d’être un point de référence.
Des zones d’ombre dans les relations humaines
La gouvernance n’est pas qu’une affaire de documents. C’est aussi une question de dynamique relationnelle. Entre un président salarié non actionnaire et un ou plusieurs associés fondateurs, la répartition des rôles doit être limpide. Quand un dirigeant commence à agir de manière autonome ou à empiéter sur les prérogatives des associés, la tension monte.
Les conflits naissent souvent d’un flou que personne n’a voulu lever au départ. Et une fois la relation détériorée, il devient difficile de revenir à un fonctionnement serein.
Les typologies de conflits les plus fréquents
Conflits entre actionnaires
Certains désaccords sont purement stratégiques : orientation de la société, choix des investissements, rythme de croissance. D’autres sont plus personnels : sentiment d’exclusion, suspicion de favoritisme, différences de vision sur la répartition des bénéfices.
On observe aussi des conflits liés à la répartition du capital, notamment lorsqu’un associé minoritaire estime ne pas être écouté, ou lorsqu’un majoritaire impose ses décisions sans discussion.
Les conflits peuvent aussi toucher la gestion quotidienne : nomination du président, droit d’accès à l’information, exercice des pouvoirs de contrôle.
Conflits entre actionnaires et président non associé
Un président non associé peut se retrouver en porte-à-faux lorsqu’il doit arbitrer entre différents intérêts sans avoir de pouvoir capitalistique. Si la ligne stratégique n’est pas clairement fixée, il peut être pris pour cible par des associés mécontents.
Parfois, c’est l’inverse : un président en place se met à agir de manière unilatérale, sans consulter les associés, ou en prenant des décisions contraires à l’intérêt collectif. Quand la confiance disparaît, la gouvernance devient instable.
Ces conflits sont d’autant plus délicats à traiter qu’ils touchent à la fois au juridique et à l’humain.
Les conséquences possibles pour la société
- Blocage de la prise de décision
- Départ d’un associé avec contentieux
- Atteinte à l’image de la société
- Perte d’opportunités commerciales
- Détérioration du climat de travail
- Risque judiciaire ou arbitrage coûteux
Il suffit d’un seul conflit mal géré pour faire dérailler une société, même avec un produit ou un marché prometteur.
Les outils pour prévenir efficacement les conflits
Des statuts complets, clairs et adaptés
Les statuts doivent anticiper les situations de désaccord. Cela passe par :
- La répartition précise des pouvoirs entre président, directeurs, et actionnaires
- La définition des majorités requises selon les décisions
- Les conditions de révocation du président
- L’encadrement de l’entrée et de la sortie des associés
Un bon réflexe consiste à rédiger les statuts avec plusieurs scénarios en tête : mésentente, changement de direction, nouvelle levée de fonds, désaccord sur la stratégie…
Le pacte d’associés, un outil souvent indispensable
Le pacte d’associés permet d’aller plus loin que les statuts. Il organise les relations entre actionnaires de manière confidentielle et personnalisée.
On peut y prévoir :
- Les conditions de cession ou de transmission des actions
- Des clauses de préemption, d’agrément, de sortie conjointe ou forcée
- Des règles de vote spécifiques
- Des droits d’information élargis
- Des mécanismes de résolution des conflits (arbitrage, médiation, clause de buy or sell)
Rédiger un pacte adapté à sa structure, c’est se donner une chance d’éviter le tribunal. Vous pouvez sécuriser votre aventure entrepreneuriale comme une cession d’entreprise à l’aide d’un pacte d’associés spécifique pour une SAS.
Des règles internes de gouvernance explicites
Il est utile de formaliser certaines règles dans un règlement intérieur, une charte de gouvernance ou tout autre document interne. Ces documents n’ont pas forcément de valeur contractuelle, mais ils permettent de clarifier les comportements attendus.
Un cadre clair, même informel, peut parfois suffire à désamorcer un conflit latent.
Une communication régulière et structurée
Cela paraît simple, mais c’est souvent négligé. Instaurer des réunions mensuelles, envoyer des comptes rendus clairs, présenter les résultats et projets de manière transparente permet d’éviter les malentendus.
Quand chacun se sent informé, entendu et légitime, les tensions diminuent naturellement.
Tableau comparatif : conflits fréquents et méthodes de prévention
| Type de conflit | Origine principale | Méthode de prévention |
|---|---|---|
| Désaccord stratégique entre associés | Vision divergente sur le développement | Statuts précis + pacte avec droit de veto |
| Conflit de gouvernance | Pouvoirs mal définis entre président et actionnaires | Répartition claire des rôles dans les statuts |
| Suspicion de favoritisme | Prises de décisions sans concertation | Règles de quorum et de majorité renforcées |
| Conflit sur la cession d’actions | Désaccord sur le choix d’un nouveau partenaire | Clause d’agrément ou de préemption |
| Blocage d’un associé minoritaire | Marginalisation des minoritaires | Droits spécifiques dans le pacte d’associés |
| Président non associé contesté | Décisions jugées arbitraires | Objectifs contractuels et évaluation régulière |
Que faire lorsqu’un conflit éclate ?
Étape 1 : Ne pas laisser traîner
Un conflit naissant est toujours plus facile à gérer qu’un conflit cristallisé. Il faut prendre au sérieux tout signe de désaccord : refus de valider un document, tension en réunion, message agressif. L’attente aggrave les positions.
Étape 2 : Identifier la vraie source du blocage
Parfois, ce n’est pas la décision qui pose problème mais la manière dont elle a été prise. Ou bien c’est une frustration ancienne qui ressurgit. Distinguer le symptôme de la cause évite de proposer de mauvaises solutions.
Étape 3 : Utiliser les outils prévus
Si un pacte existe, il contient peut-être un mécanisme de médiation, d’arbitrage ou de sortie forcée. S’il n’y en a pas, il est encore possible de formaliser une médiation volontaire ou de saisir un tiers neutre.
Étape 4 : Réévaluer la structure
Un conflit peut révéler une faille dans l’organisation. Il est parfois utile de revoir la répartition des pouvoirs, les modalités de nomination, ou même d’envisager une sortie négociée pour l’un des associés.
Questions fréquentes sur les conflits en SAS
Peut-on exclure un associé en cas de conflit ?
En théorie, non. Un associé ne peut pas être exclu unilatéralement sauf si une clause dans les statuts ou le pacte le permet. On parle alors de clause d’exclusion. Cette clause doit être précise, objective, et conforme à la loi. Elle peut viser certains comportements ou décisions.
Un président salarié peut-il refuser de suivre les directives des associés ?
Cela dépend des statuts. Si le président dispose d’une large autonomie, il n’est pas obligé d’appliquer toutes les décisions des actionnaires, sauf si elles relèvent de leur compétence exclusive. En cas de désaccord durable, les associés peuvent le révoquer selon les modalités prévues.
Faut-il rédiger un pacte d’associés même si on est juste deux fondateurs ?
Absolument. C’est justement entre deux fondateurs proches que les conflits peuvent être les plus durs si la relation se détériore. Un pacte bien pensé protège chacun des deux, tout en définissant les règles du jeu.
Un salarié non actionnaire peut-il contester les décisions des actionnaires ?
Pas en tant que tel. Il peut contester une décision qui le concerne directement en tant que salarié (licenciement, modification de contrat), mais pas une décision purement stratégique. En revanche, s’il est également mandataire social, ses responsabilités peuvent être engagées.
Mieux vaut prévenir que réparer
La SAS séduit par sa souplesse. Mais cette souplesse appelle une vigilance constante. Dès qu’il y a plusieurs actionnaires ou qu’un président non associé prend une place stratégique, la prévention des conflits devient un enjeu central.
Ce sont souvent les petites négligences qui créent les grands contentieux. Un pacte non signé, une réunion jamais tenue, un pouvoir donné sans garde-fou.
Anticiper les désaccords, c’est déjà protéger la pérennité de la société. Une gouvernance claire, équilibrée et adaptée aux personnes en présence constitue un véritable avantage compétitif dans un monde où les relations humaines font souvent la différence.



